22.5.04

Malaise à l'école des profs

Ils disent s'ennuyer, ne rien apprendre, quand ils ne sèchent pas tout simplement les cours. Ce ne sont pas des adolescents qui s'expriment ici, mais des... professeurs stagiaires des IUFM (Instituts universitaires de formation des maîtres), ces établissements chargés de la formation des enseignants. Pour France Inter, Marie-Christine Le Du a visité l'IUFM de Clermont-Ferrand et rencontré quelques-uns de ses 400 stagiaires et de ses 160 formateurs. Des témoignages forts qui décrivent le malaise profond qui règne aujourd'hui à l'école des profs.

Créés en 1989 pour remplacer l'école normale, les 31 IUFM français accueillent chaque année environ 30.000 professeurs qui ont réussi le Capes ou l'Agrégation. Pendant un an, les jeunes enseignants, qui assurent par ailleurs quatre à six heures de cours dans un collège ou un lycée, suivent une formation censée les préparer à leur rôle avant leur affectation définitive. Une étape importante qui ne donne pourtant pas les résultats attendus, d'autant que les profs débutants obtiennent souvent leur premier poste dans les académies les plus dures: Amiens, Créteil, Lille ou Versailles.

«L'urgence c'est de survivre, de gérer la classe, pas d'enseigner les maths», raconte François, un jeune professeur qui a passé une année dans un collège de Seine-Saint-Denis. Et de préciser: «Nous ne sommes pas assez formés pour être efficaces dans ces établissements.» «Comprendre les difficultés des élèves, cela ne s'apprend pas à l'IUFM», renchérit Céline, une enseignante en lettres. Des jeunes désorientés par la violence – insultes, pneus crevés ou vitres cassées –, mais aussi par la misère sociale. «Je n'ai pas appris à faire face à des enfants battus ou à des familles qui vivent à 8 dans 40 mètres carrés», poursuit François.

Au fil des témoignages, ce document montre comment les IUFM ont leur part de responsabilité dans la faillite du système scolaire actuel.

Cours trop théoriques, pédagogie d'un autre âge, formation qui arrive trop tard dans le cursus... Les nouveaux profs n'ont jamais la dent assez dure quand ils évoquent leur passage à l'IUFM. Des enseignants qui souvent n'ont qu'un seul souci: «comment s'imposer en classe». «La question de la discipline ne s'est jamais autant posée qu'aujourd'hui», souligne Anne-Marie, une des formatrices de l'IUFM de Clermont-Ferrand qui fait ici son mea culpa par rapport aux méthodes des années 70 : «On a voulu faire de l'élève un citoyen, un acteur et on a aboli le droit de punir. Mais, en chemin, on a oublié ce qu'était l'école : un lieu de transmission du savoir.» «Il n'y a justement aucune réflexion sur ce sujet, déplore un de ses collègues, du coup, on se contente de coller des rustines là où il y a urgence.»

Derrière ce tableau très noir, les jeunes professeurs manifestent pourtant un enthousiasme à toute épreuve : «Ce n'est pas ce que je m'attendais à faire, s'enflamme François, mais il faut le faire car ces enfants ont besoin d'adultes autour d'eux.» «L'école, ce n'est pas une évidence pour tout le monde, ajoute Céline, c'est pourquoi il faut sans cesse inventer des méthodes pour donner le goût d'apprendre.»

«INTERCEPTION» France Inter dimanche 23 mai à 9 heures.

Virginie François : Le Figaro du 22 mai 2004
Sentinelle : Société : Système éducatif