10.9.04

Cyclamed !!!

Le don de médicaments aux pays du Sud est déconseillé par l'Organisation mondiale de la santé.

La découverte d'un détournement de médicaments non utilisés (MNU) fait resurgir les doutes sur l'efficacité de Cyclamed, la filière de récupération des médicaments. Cette association regroupant industriels de la pharmacie, grossistes et pharmaciens d'officine a été créée en 1992 pour répondre aux obligations du décret sur les déchets d'emballage. Qui impose aux producteurs de pourvoir à l'élimination des emballages qu'ils mettent sur le marché. Les industriels ont trois possibilités : la consigne, la cotisation à une société agréée comme Eco-Emballages ou l'autorécupération. L'industrie pharmaceutique a opté pour cette dernière solution, la moins onéreuse. Cyclamed demande au grand public de ramener ses MNU aux pharmaciens qui se chargent bénévolement de la collecte. Puis entre en jeu le volet humanitaire dont s'est doté Cyclamed : quinze ONG, agréées par le conseil de l'Ordre, trient en fonction de la date de péremption, des classes thérapeutiques...

Ce qui est jugé digne d'être réutilisé est envoyé vers le «quart-monde français» et vers des pays en voie de développement (PVD). En 2003, 510 tonnes de médicaments ont été redistribuées. Tout le reste, emballages et médicaments inutilisables, part vers 45 incinérateurs agréés par le ministère de l'Ecologie. En 2003, sur 70.000 tonnes d'emballages mis sur le marché, 14.717 ont été incinérées et valorisées. L'énergie est récupérée sous forme de vapeur pour le chauffage ou d'électricité pour l'éclairage. Des performances jugées «décevantes» au ministère de l'Ecologie. «Moins de 20% des emballages sont récupérés, déplore de son côté Paul Deffontaine, président du Cercle national du recyclage. 80% des emballages restent à la charge des collectivités et donc des contribuables ! Ce serait plus efficace de jeter tous ces emballages à la poubelle. Ce serait aussi le seul moyen de faire cotiser l'industrie pharmaceutique à hauteur des déchets qu'elle produit !»

Côté humanitaire, Cyclamed ne fait pas l'unanimité non plus. Pharmaciens sans frontières-Comité international est résolument contre la réutilisation des médicaments. «Leur qualité ne peut être garantie, explique Ghislaine Soulier, de PSF-CI. Une boîte, même non ouverte, a pu être exposée en pleine chaleur, par exemple.» PSF-CI applique les principes directeurs édictés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui déconseille les dons de médicaments aux pays du Sud à cause des effets pervers : inadaptés aux besoins des populations et inconnus du personnel local, ils alimentent le marché noir...


«Les pays africains se sont dotés d'une politique sanitaire établie avec l'Unicef et l'OMS qui s'appuie sur la liste des médicaments essentiels établie par l'OMS, explique Ghislaine Soulier. Il s'agit de 300 molécules qui soignent 98% des maladies et qu'on trouve pour la plupart sous forme de génériques. La plupart des PVD achètent ces médicaments et disposent de personnel formé pour les utiliser. Le don des associations du Nord perturbe ce système. Il relève d'une vision dépassée de l'aide au développement.» Remed, autre ONG humanitaire, note que la meilleure manière de recycler, «c'est d'abord d'éviter le gaspillage. Pourquoi, comme cela se pratique dans les pays anglo-saxons, ne pas délivrer aux patients le nombre exact de comprimés nécessaires plutôt que des boîtes ?»

Eliane Patriarca : Libération du 10 septembre 2004