24.5.04

Écoles socialement plus sélectives

Les grandes écoles se démocratisent-elles ?

Si les chances d’intégrer Polytechnique, HEC ou l’ENA pour des enfants de milieux populaires se sont accrues des années 1940 aux années 1970, la décennie 1980 a marqué une véritable régression. Sous les «années Mitterrand», un fils de technicien a 3 ou 4 fois moins de chances d’intégrer un établissement d’élite qu’un fils de profession libérale ; un fils d’ouvrier industriel, 18 fois moins de chances ; un fils d’ouvrier agricole... 49 fois moins, selon deux chercheurs de l’Insee («Les Inégalités sociales d’accès aux grandes écoles», par Véronique Albouy et Thomas Wanecq (2003): www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ES361B.pdf).

On rétorquera que les années 1980 ont vu la proportion d’enfants issus des milieux modestes exploser dans l’enseignement supérieur. Mais en quantité, pas en qualité. En clair, l’université s’est massivement ouverte à ces nouveaux venus, mais pas les grandes écoles.

Le modèle méritocratique s’est désagrégé en même temps que les Trente Glorieuses, et ce n’est pas le fruit du hasard. «Dans un contexte de recrutements moins massifs et donc de sélection accrue, il n’est peut-être pas étonnant que les enfants des groupes sociaux les mieux informés [...], enfants d’enseignants et de cadres, se soient repliés sur les grandes écoles», avancent les chercheurs.

Les choses se sont-elles améliorées depuis quinze ans ? Il semblerait que non. Un tout récent rapport de la Conférence des Grandes Ecoles, encore non rendu public, révèle que les enfants d’ouvriers et d’employés n’y représentent aujourd’hui que 11% des étudiants, contre... 62% d’enfants de cadres supérieurs et de professions libérales. Les partisans de la discrimination positive ont encore du travail...

Arnaud Gonzague : Le Nouvel Observateur 2063 du 20 mai 2004
Sentinelle : Société : Système éducatif