27.5.04

Menaces terroristes

Les Etats-Unis redoutent une attaque terroriste cet été. Leurs craintes sont fondées : à mesure que l'élection présidentielle de novembre approche, le niveau d'alerte va s'élever. Les services de renseignements n'ont pas détecté de menace précise, mais les écoutes américaines relèvent un niveau de communication élevé. En soi, c'est un signe qu'un attentat est peut-être en préparation.

Dans cette guerre des ombres, à défaut de certitudes, la logique et le bon sens sont les meilleurs alliés de l'antiterrorisme. Deux arguments font redouter le pire.

D'abord le carnage de Madrid, le 11 mars. Son impact sur la défaite inattendue d'un gouvernement allié des Etats-Unis n'a pu qu'encourager al-Qaida à bien cibler sa campagne meurtrière.

Ensuite l'Irak. Le moment actuel, particulièrement délicat pour la coalition, offre aux terroristes une occasion de marquer des points de propagande.

La guerre menée par al-Qaida et ses succursales ne faiblit sur aucun front. Le 1er mai, six ingénieurs pétroliers, dont deux Américains, étaient tués à Yanbu, en Arabie saoudite. Hier, le consul des Etats-Unis échappait de peu à l'explosion d'une voiture piégée à Karachi, au Pakistan. L'Irak est un champ de bataille quotidien où il est devenu difficile de distinguer les attentats d'al-Qaida des actes de résistance à l'occupation.

Dans les pays occidentaux, l'autre théâtre d'opérations de cette bataille planétaire, les «cellules dormantes» se préparent à passer à l'action, comme elles l'ont fait à Madrid.

Le plus spectaculaire serait de frapper aux Etats-Unis. Depuis le 11 septembre 2001, le territoire américain est resté à l'abri des attentats. A l'approche de l'élection présidentielle, il serait logique que les terroristes cherchent à frapper à nouveau au coeur de l'empire et à transformer l'essai réussi en Espagne. Quel plus grand succès peuvent-ils rêver si ce n'est de chasser Bush de la Maison-Blanche ? C'est, en tout cas, la hantise des services américains. Ils craignent surtout une «bombe sale», qui mêlerait des éléments radioactifs à des explosifs conventionnels pour maximiser les victimes et la panique engendrée.

L'Europe est aussi visée. Dans les semaines qui viennent, des deux côtés de l'Atlantique, les spécialistes de l'antiterrorisme vont être fortement sollicités. Plusieurs événements internationaux à forte valeur symbolique apparaissent comme autant de cibles potentielles. Le sommet du G 8 se réunira le mois prochain (8 au 10 juin) aux Etats-Unis. Celui de l'Otan se tiendra ensuite à Istanbul, où al-Qaida a déjà frappé. Il y aura les Jeux olympiques, à Athènes, et les conventions démocrate et républicaine, à New York et à Boston.

La série débutera avec la venue en France du président George W. Bush pour l'anniversaire du débarquement sur les plages de Normandie. A cette occasion, chacun doit comprendre que les menaces terroristes méritent d'être prises avec le plus grand sérieux.

Pierre Rousselin : Le Figaro Éditorial du 27 mai 2004
Sentinelle : Société : Géopolitique