13.6.04

Prier en ligne, c'est tendance

Prier, s'agenouiller, discuter avec des fidèles, écouter des sermons en ligne… le dernier jeu vidéo à la mode ? Malgré les apparences, Church of Fools (l'Eglise des fous) n'a rien d'un jeu : elle vise un nouveau public, la communauté des "cyber-croyants".



Dans cette "cyber-église", inaugurée le 11 mai en Grande-Bretagne, chaque fidèle endosse le costume d'un personnage en 3D, homme ou femme, le baptise puis le pilote à sa guise dans le lieu saint. Il rejoint alors une multitude de petits bonshommes vêtus de rouge, vert, orange ou bleu qui circulent dans la nef, s'assoient, s'agenouillent, font le signe de croix ou se dirigent vers le sanctuaire. Dans la crypte, les conversations vont bon train en milieu d'après-midi. "Avez-vous déjà été sur un chat chrétien ?", demande un fidèle à son voisin, tandis que Gill chante "Mon Dieu, la lumière de ton amour brille", et que Snake, un Suédois, avoue qu'il est "difficile de croire avec toute cette souffrance dans le monde".

Pour bavarder, même système qu'un forum classique. Grâce à un zoom sur l'écran, on peut se rapprocher des autres ou au contraire avoir une vision d'ensemble de la salle. L'église ne propose pas, pour l'instant, de sacrements. Trop de détails restent à régler, comme la sécurité du site, récemment pris d'assaut par des pirates "satanistes" ou de mauvais farceurs. Par contre, l'office du dimanche matin à 9 heures est accessible, en ligne, dans le monde entier. Une sacrée concurrence pour les sermons télévisés de Jean Paul II !

Sponsorisé par l'Eglise méthodiste, Church of Fools, conçu en 1998 par les créateurs du webzine chrétien britannique Ship of Fools, se veut un lieu sérieux et satirique, divertissant et provocateur. "L'objectif est d'aider les chrétiens à se poser des questions sur leur foi, d'atteindre les jeunes par un moyen ludique et d'inviter les sceptiques à repenser leur croyance, quelle que soit leur religion", explique Stephen Goddard, coéditeur du site et consultant en relations publiques.

Une idée risquée, mais un pari réussi pour le moment : chaque jour, 5.000 à 10.000 visiteurs se pressent aux portes de l'église. Et les échanges, parfois houleux, recèlent de véritables surprises. Comme l'histoire de Jenny : "J'ai eu une longue et passionnante discussion avec un juif sur la théologie et l'histoire de nos religions, alors que je n'en fréquente pas beaucoup dans ma vie quotidienne. J'ai dû me pincer pour réaliser que je faisais cette rencontre dans une église !"

De l'avis de Steve Tomkins, historien de l'Eglise, qui le martèle dans son sermon du dimanche, "Internet n'unira pas des gens qui ne veulent pas s'entendre mais donnera une chance incroyable : celle de les écouter". Une chance pour l'Eglise ?

Stéphanie Chemla : Le Monde du 8 juin 2004