29.7.04

Facture salée pour les JO

À dix-neuf jours de l'ouverture des Jeux olympiques d'Athènes, les Grecs ne sont pas sûrs d'avoir fait une bonne affaire. La facture des JO a fait grimper les prix dans le pays, ce qui fait fuir les touristes et ampute le pouvoir d'achat des Grecs.

Les Jeux olympiques n'ont pas encore commencé, mais les Grecs sont sûrs d'une chose : ils n'ont pas fini de les payer. Selon le vice-ministre de l'Économie, Petros Doukas, ils mettront « au moins 20 ans à rembourser la facture et 10 à l'amortir ». Pas étonnant, ces Jeux seront les plus coûteux de l'histoire olympique : presque 6 milliards d'euros, soit 1,5 milliard de plus que le budget initial. La Commission européenne a même placé Athènes sous surveillance budgétaire. Mais le ministre de l'Économie, Georges Alogoskoufis, a tenu à signaler « les conditions exceptionnelles dues à l'organisation des Jeux olympiques ».

Une remarque justifiée : la Grèce est l'un des plus petits pays à organiser des Olympiades, un événement qui rassemblera cette année un record de 202 délégations. De plus, ces Jeux d'été seront les premiers de l'après-11 septembre, d'où un surcoût pour la sécurité non prévu à l'origine. Ce poste représente à lui seul 1,5 milliard d'euros, quatre fois plus qu'à Sydney, il y a quatre ans.

Les prix s'envolent

Par ailleurs, si 70% des installations sportives étaient déjà prêtes, selon le dossier présenté en 1997, les infrastructures de transports (tramway, métro, échangeurs) étaient presque toutes à construire. Après quatre premières années d'atermoiements, la Grèce a dû mettre les bouchées doubles pour combler son retard. Les délais d'achèvement ont été rallongés et les sous-traitants en ont profité pour faire grimper leurs tarifs. Un seul exemple : le toit du stade olympique a coûté 36 millions d'euros de plus que prévu, portant la facture totale de l'ouvrage à 250 millions. Les préparatifs s'achèvent désormais au sprint et les inaugurations de sites se succèdent pour faire taire les critiques.

Contrecoup de ce marathon des préparatifs : le coût de la vie s'envole, à tel point que la Grèce a perdu son label de destination pas chère. Le pays n'arrive pas à exploiter l'opportunité olympique et est loin de faire le plein de touristes. Principale explication : les professionnels du tourisme, qui ont cru à la poule aux oeufs d'or, ont augmenté abusivement leurs tarifs. Les hôtels ont ainsi multiplié leur prix par sept pour amortir des rénovations coûteuses. Du coup, 5.000 chambres sont encore libres à trois semaines des Jeux. Tous les prix suivent la même croissance irraisonnable : billets d'avion, restauration, essence, transports. Quant à l'Acropole, le site touristique phare de la capitale grecque, certains tour-opérateurs l'ont même retiré de leur offre, à l'instar de Multi Travel : « A 10 € l'entrée, c'est beaucoup trop cher ! »

Si la Grèce a fait un bond dans les listes des pays les plus chers au monde, passant de la 71e à la 50e place, les revenus des ménages n'ont pas suivi.

Une situation qui inquiète la Banque de Grèce : avec des salaires qui augmentent moins vite que les prix, le pouvoir d'achat des Grecs est sérieusement amputé. « Il y a quelques années, on trouvait toujours quelqu'un à qui emprunter pour finir le mois, souligne Marie, une institutrice. Maintenant, plus personne ne peut vous dépanner. On est tous fauchés dès le 15 du mois. »

Conséquence directe, les Grecs ont de plus en plus recours à l'endettement. Ainsi, en mai dernier, les emprunts privés ont augmenté de 61,9% alors que les prêts à la consommation ont grimpé de 29,7%. Selon la Banque de Grèce, les ménages doivent au total 108,8 milliards d'euros, 17,7% de plus que l'année dernière. La prospérité actuelle du pays, dopée par l'effet JO, est donc globalement artificielle et risque d'être sans lendemain. Mais les Grecs auront au moins de bons souvenirs pour endurer la récession qui se profile pour septembre.

Angélique Kourounis : Ouest France du 29 juillet 2004