26.7.04

Des transsexuels aux JO

Les conditions de participation des transsexuels aux Jeux olympiques viennent d'être clarifiées. Afin, notamment, de leur éviter d'être accusés de dopage. C'est l'aboutissement de siècles de controverses.

Jusqu'en 440 avant Jésus-Christ, les femmes qui, à l'exception des jeunes filles vierges, osaient pénétrer dans l'enceinte du stade olympique, étaient punies de mort. A
ussi Kallipateira, fille et sœur de plusieurs champions olympiques, et entraîneuse de son fils depuis la mort de son mari, s'était-elle travestie en homme pour assister à la compétition. Elle fut démasquée lorsque, voulant embrasser son enfant victorieux, son déguisement tomba, dévoilant au grand jour son corps de femme. Aussi fut-il décidé que dorénavant les sportifs et entraîneurs devraient concourir nus.

Des tests de contrôle de la féminité des sportives commencèrent réellement à partir du milieu des années 1960. On estimait à cette époque que 60% des records du monde féminins étaient alors détenus par des "intersexuées" (terme préférable à celui d'hermaphrodites), d'autant que les pays de l'est de l'Europe n'hésitaient pas à doper leurs sportives aux hormones mâles. Diverses techniques furent alors employées, de l'examen gynécologique à la recherche du gène "sry", censé déclencher le facteur de masculinité. A cela près qu'aucun de ces tests ne peut raisonnablement suffire à déterminer le sexe d'un quidam. Claude Louis Gallien, biologiste et responsable de la commission médicale du Comité national olympique, estime ainsi qu'"on aurait du mal aujourd'hui à donner une définition de ce qu'est un homme ou une femme".

Au début des années 1990, l'Association internationale des fédérations d'athlétisme (IAAF), de concert avec nombre d'académies de médecine, recommandait pour sa part d'abandonner ces "contrôles de féminité", ce qui ne fut fait qu'à partir des JO de Sydney, en 2000.

L'IAAF préconisait également que soient autorisés à concourir les athlètes ayant changé de sexe avant la puberté, ce qui est le cas de nombreux intersexués. Le Comité international olympique (CIO) vient enfin de trancher en ce sens, tout en précisant que si la réassignation sexuelle a eu lieu après la puberté, "une évaluation confidentielle au cas par cas sera effectuée".

Les athlètes transsexuels pourront ainsi être admis aux JO à la condition expresse que "des transformations anatomiques chirurgicales aient été effectuées", à commencer par la gonadectomie (ablation des testicules), qu'un changement d'état civil ait été enregistré par les autorités (ce qui exclut, d'emblée, les athlètes des pays ne reconnaissant pas la transsexualité) et qu'un traitement hormonal approprié au nouveau sexe ait été administré pendant au moins deux ans.

La prise d'hormones, et plus particulièrement de testostérone, ne pourra plus, dès lors, être considérée comme relevant du dopage. Rendue publique en mai, cette recommandation ne semble pas encore avoir été suivie d'effets, le CIO n'ayant enregistré, à ce jour, aucune demande de participation d'un athlète transsexuel.

Pour Armand Hotimsky, sexothérapeute et président du Centre d'aide, de recherche et d'information sur la transsexualité et l'identité de genre (Caritig), cela n'a rien d'étonnant : au vu de l'ostracisme dont "trans" et intersexués font encore aujourd'hui l'objet, "les athlètes n'ont pas non plus forcément envie de dire qu'ils sont transsexuels". L'intersexualité concernerait pourtant un enfant sur quatre mille.

 
Jean-Marc Manach : Le Monde du 23 juillet 2004