27.7.04

Free condamné

Le TGI de Paris juge illégale l'offre payante de passage à la Freebox pour les abonnés de Free utilisant un modem Sagem. Le FAI a quinze jours pour faire appel.
 
Le Tribunal de Grande Instance de Paris a condamné vendredi 23 juillet Free à abandonner son offre visant à faire payer à ses abonnés l'échange de leur modem Sagem contre une Freebox. Depuis courant juin, Free imposait aux abonnés ADSL équipés d'un modem Sagem de débourser 59,90 euros pour pouvoir recevoir la Freebox et accéder ainsi à de nouveaux services (télévision, téléphonie, etc.).
 
Une opération que le FAI n'a pas réussi à "vendre" à ses abonnés. En effet, deux facteurs ont poussé ces derniers à s'insurger contre cet échange. D'une part, rien dans les conditions générales de vente ne précisait un quelconque échange payant. "Certains abonnés avaient même reçu des mails de Free affirmant que le passage à la Freebox serait gratuit", explique Carole Oudar chargée de communication de l'association de défense de consommateur Familles de France, à l'origine du référé déposé auprès du Tribunal de grande Instance de Paris. D'autre part, la grogne des clients de Free a été d'autant plus forte que le FAI n'avait jamais fait payer ses Freebox jusqu'à présent et que les abonnés se voyaient dans l'obligation d'acheter à Free un modem dont il n'auraient plus aucun usage. En effet, en contrepartie des 59,90 euros facturés pour l'échange, l'abonné devenait propiétaire d'un Sagem... dont l'utilité reste encore à démontrer puisque Free mettait à sa disposition une Freebox de dernière génération.

En l'état, "le tribunal a considéré cette pratique assimilable à de la vente subordonnée", résume Carole Oudar. La vente subordonnée est une pratique illégale qui consiste à imposer l'achat d'un produit ou d'un service concomitant, comme par exemple une extension de garantie obligatoire. La société a quinze jours pour faire appel du jugement. En outre, Free est condamné à verser 8.000 euros de dommages et intérêts à Familles de France et doit diffuser sur sa page d'accueil, dans un délai de deux semaines, un communiqué officiel rendant compte du jugement. Cette procédure est accompagnée d'une somme d'astreinte de 5.000 euros par jour de retard.

 
Surtout, le jugement est exécutoire, c'est-à-dire que Free ne peut désormais plus procéder à ces échanges payants. "Cela ne veut pourtant pas dire que Free ne fera pas payer ses abonnés Sagem, tempère Carole Oudart. Son département juridique trouvera peut être une autre raison pour justifier le paiement de ces 59,90 euros. Mais nous espérons qu'ils ne feront pas appel et qu'ils échangeront gratuitement les modems." Si cette décision devenait effectivement définitive, dans le cas où Free ne ferait pas appel ou s'il perdait son appel, les abonnés de Free ayant déjà payé 59,90 pour bénéficier d'un modem Freebox pourraient demander leur remboursement.
 
Pour Free, la décision n'est pas sans conséquences. Non seulement, c'est nuisible à son image de marque mais cela pourrait aussi rejaillir sur les résultats financiers de la société.

Les derniers chiffres communiqués par Free permettant de déduire le nombre d'abonnés utilisant un modem Sagem date du 31 décembre dernier. A cette époque, le FAI déclarait un nombre de 485.000 abonnés ADSL, dont 163.000 utilisateurs de Freebox, les 322.000 restants étant des abonnés Sagem ayant souscrit à une offre Free hors zone dégroupée. Ce nombre, multiplié par les 59,90 euros demandés par Free par abonné, pourrait représenter un manque à gagner potentiel, à plus ou moins long terme, supérieur à 19 millions d'euros. Et encore, ce total n'inclut pas les abonnés ADSL de Free ayant souscrit courant 2004 une offre comprenant un modem Sagem. A titre indicatif, le nombre total d'abonnés ADSL chez Free atteignait 635.000 au 31 mars dernier.
 
Les commentaires d'Alexandre Archambault, responsable des affaires réglementaires de Free 
 
Bon, déjà, avant de crier victoire, ça serait bien d'analyser l'ordonnance de référé et les conséquences que cela peut impliquer.
 
Le juge ne conteste nullement le fait que le renouvellement de terminal à l'initiative de l'abonné puisse faire l'objet de facturation de frais administratifs et logistiques. Ce point-là est donc acté.
 
Selon les plaignants, la communication de Free, et en particulier le communiqué de presse du 18 mars 2004, était mensongère. A cette question, le TGI a répondu que "le texte présenté offre d'abord un accès internet à haut débit à l'ensemble des abonnés quelque soit leur équipement et sans frais d'accès, puis précise que les abonnés dégroupés équipés de la Freebox bénéficient d'un service de téléphonie et de télévision ; Qu'il distingue clairement une offre tous abonnés et une offre abonnés Freebox ; que le lecteur normalement attentif, disposant d'un modem SAGEM, est immédiatement informé que les services associés au haut débit supposent un modem Freebox et que des conditions d'échange de modem lui seront proposées ; que la publicité n'est pas trompeuse". Ce point-là est donc lui aussi acté, la formulation était peut être maladroite et à l'avenir au même titre que quand c'est gratuit c'est écrit noir sur blanc lorsqu'il y aura des conditions cela sera évoqué sans équivoque, mais la qualification de publicité trompeuse invoquée à tour de bras est sans fondement.
 
Toutefois, selon le juge, le fait de se retrouver propriétaire du Sagem - comme c'était initialement présenté - s'assimile à une vente subordonnée, et donc prohibée. Dès lors, Free est invitée à "mettre en place une offre dirigée vers les abonnés équipés du modem SAGEM dont la légalité ne soit pas évidemment critiquable" dans les 15 jours à compter de la signification.Dans ces conditions, à la lumière de cette décision, qui ne conteste nullement le principe de faire supporter à l'abonné sollicitant un renouvellement tout ou partie des frais inhérents à ce renouvellement mais qui conteste le fait que cela implique de se retrouver propriétaire du Sagem, une offre de renouvellement sera proposée, a priori (sauf meilleur avis contraire de Xavier & co) basée sur l'offre actuelle à ceci près que l'abonné devra restituer le Sagem.
 
Frantz Grenier : Le Journal du Net du 27 juillet 2004