30.8.04

JO : les Cassandre démentis

Menace terroriste, stades inachevés, pagaille assurée : les Cassandre avaient promisun retour ratédes JO dans leur berceau. Elles se sont trompées. Les Jeux sont faits. Et bien faits. Les compétitions ont passionné des milliards de téléspectateurs et séduit un public grec... presque trop sage.

Environ 80.000 voyageurs dans la seule journée de ce lundi. Cohue de lendemain de fêtes. D'heure en heure, le flambant neuf aéroport d'Athènes sera plus rempli encore que le stade olympique a pu l'être jour après jour de cette quinzaine ensoleillée. Il faudra se nourrir de patience avant de s'envoler vers le retour au pays. Avec dans les bagages un supplément de fatigue, de passion, de tension et d'émotions que ne comptabiliseront pas les pointilleuses balances de l'enregistrement.

Des images défileront, colorées du sourire d'Anastassia, de la gentillesse d'Athéna ou de la prévenance d'Angeliki. Elles portaient l'uniforme - bleu pour le bas, jaune, blanc et bleu pour le haut - de ces 44.000 volontaires débarqués de toute la planète pour mettre un peu d'huile dans la mécanique rigide de la machine olympique. Elles et ils, à l'image de ce Crétois nonagénaire, doyen de la troupe, venus et logés à leurs frais, rémunérés au seul enthousiasme de savoir qu'ils sont l'essence des Jeux. La caution humaine d'une fabrique de performances sportives, financières, publicitaires et télévisuelles.

Les pessimistes promettaient pagaille et improvisation dans des équipements inachevés, bricolage et confusion sur des sites disséminés dans une agglomération forteresse, accablée de chaleur polluante et vidée de sa population. La fierté, le savoir-faire, la disponibilité des Grecs en ont décidé autrement.

Des Jeux réussis donc, même si l'éparpillement des lieux de compétition et les impératifs de sécurité ont pu transformer gymnases, piscines et stades en camps retranchés que reliait le réseau de couloirs réservés aux bus olympiques. Bien qu'habillées de tentures aux couleurs ensoleillées, les barrières qui ceinturaient ces bâtiments, sous l'oeil de soldats en armes, sont restées comme des murs coupables d'isoler acteurs et spectateurs de la ville qui les accueillait.

Les Athéniens se sont pris aux Jeux par intermittence, quand ils avaient à agiter les fanions bleu et blanc au rythme des Hellas ! Hellas ! de leur coeur pour courir, sauter, nager, lutter ou soulever avec les candidats champions du pays. Sans doute avaient-ils imaginé être plus souvent à la fête, dans les longues nuits du quartier flâneur de Plaka au milieu du va-et-vient des touristes, des supporters et des athlètes réunis par l'envie de s'encanailler dans l'improvisation d'une 'troisième mi-temps'.

Athènes est-elle trop restée sage, toute obnubilée qu'elle était par son souci de bien faire ? Qu'importe ce supplément d'imprévu qu'elle n'a pas toujours livré. Il lui suffit de pouvoir rester, pour toujours, fière d'avoir si bien réussi le retour des Jeux au pays.

Pierre Fornerod : Ouest France du 30 août 2004