12.8.04

Serpentin chinois

A considérer l'arsenal disponible de nos jours pour tuer les moustiques, on se dit que ces petites bêtes ont bien de la constance. Tablettes à brancher sur la prise de courant, bombes insecticides, onguents répulsifs, gadgets à ultrasons, voilà les petits vampires cernés.

Cette débauche de technologie n'a pourtant pas réussi à faire disparaître l'ancêtre de tout ce fourbi : la spirale antimoustique, plus connue sous le nom de «serpentin chinois», sobriquet qui évoque davantage une acrobatie sexuelle qu'un dispositif parasiticide. Il s'agit d'un boudin verdâtre enroulé sur lui-même auquel il faut bouter le feu à la nuit tombée. La chose entame alors une lente combustion qui produit une fumée certes désagréable pour les êtres humains, mais létale pour les moustiques.

Si, en Occident, les ventes sont désormais minimes, son succès ne se dément pas en Asie et surtout en Afrique. Les ravages du paludisme n'y sont pas étrangers, de même que le coût dérisoire de l'appareil. Au Sénégal, le Yotox, que l'on trouve partout, coûte environ 150 francs CFA (0,25 euro). En France, il reste quelques amoureux du petit engin et, dans la pénombre de quelques campings, on peut encore apercevoir la lueur rougeâtre du serpentin faisant son office malodorant. Aromatisés au géranium (parfum qui fait fuir les bestioles), au cèdre ou à la citronnelle, les paquets se vendent à 4 ou 5 euros.

Tout cela ne serait que touchante nostalgie si l'antique spirale n'avait ses farouches détracteurs. Selon une légende tenace, l'objet serait l'instrument favori des pyromanes. D'autre part, une étude publiée l'an dernier affirme qu'une nuit de sommeil avec la spirale incandescente à portée de narines équivaut à fumer plus de 50 cigarettes ! En même temps, c'est moins cher que des clopes.

Bruno Icher : Libération du 12 août 2004