4.8.04

La pub télé ne fait plus recette

Les annonceurs trouvent de nouveaux supports pour promouvoir leurs marques.

Lorsque DaimlerChrysler a souhaité promouvoir son dernier modèle de jeep, il n'a pas hésité longtemps sur la marche à suivre. Quoi de plus efficace qu'un jeu vidéo pour toucher une cible de jeunes actifs aux Etats-Unis ? C'est ainsi que le constructeur automobile a investi dans un jeu vidéo intitulé «4x4 : sur la piste de la vie», dans lequel son modèle de jeep joue évidemment le rôle principal. En moins de six mois, 250.000 consommateurs ont téléchargé ce programme et se sont fait identifier par la fiche de renseignements du logiciel. Quelque 40% des aficionados de ce jeu vidéo se sont déclarés prêts à acheter le modèle de jeep en question.

Le placement de produit dans le jeu vidéo devient un des éléments incontournables du plan média de lancement d'un produit outre-Atlantique. Récemment les jeans Levi's et le lessivier Procter & Gamble ont payé chacun un million de dollars pour apparaître dans un jeu vidéo de course automobile. Même l'armée américaine s'y met et passe par le jeu vidéo pour ses campagnes de recrutement.

Les annonceurs américains doivent faire face à une évolution très notable des modes de consommation des médias. Jamais la durée d'écoute de la télévision aux Etats-Unis n'a autant baissé que ces deux dernières années. En 2004, le taux d'écoute des émissions de «prime time» auprès des moins de 18 ans a baissé de 7% par rapport à l'année précédente. En 2002, les Américains ont tout simplement passé 64 heures devant leur console de jeu, soit le double par rapport à 1998. «C'est un fait, les hommes de 18 à 35 ans jouent davantage aux jeux vidéos qu'ils ne regardent la télévision», estime Joel Schlader, directeur du marketing de Chrysler Group, cité par le Wall Street Journal qui consacre un long article au sujet. «Le public de joueurs est bien plus captif qu'un public de téléspectateurs ne peut l'être devant une publicité, car il est en contact plus direct et plus longuement avec le produit», poursuit-il.

Le poids croissant de l'industrie du jeu vidéo dans les stratégies de communication des marques a conduit les grands groupes publicitaires à créer des départements spécifiques. Publicis a été le premier à réagir et à inaugurer à la fin de l'année dernière un département jeu vidéo dans son siège new-yorkais. Young & Rubicam, du groupe britannique WPP, a fait part de son intention de créer un service similaire pour cette année.

Au-delà du phénomène du jeu vidéo, c'est le rapport des annonceurs à la télévision qui est en train d'évoluer littéralement. Face à la multiplication de l'offre, rares sont les annonceurs qui peuvent s'offrir un spot de trente secondes qui puisse toucher l'ensemble du paysage audiovisuel américain. En outre, les téléviseurs américains et bientôt européens s'équipent, de plus en plus, de magnétoscopes intelligents, permettant d'éliminer la publicité en temps réel des programmes télévisés. Des contraintes qui obligent les annonceurs à s'adapter. C'est ainsi que certains publicitaires ont investi dans des formats de court métrage de deux minutes. C'est le cas de Stella Artois qui a confié à Lowe, à Londres, la conception d'un film publicitaire longue durée. De même, la chaîne sportive américaine ESPN a fait réaliser un «mini-film» afin de présenter l'ensemble de sa programmation. La bataille ne se joue plus sur le terrain de la quantité mais bien sur celui de la qualité et de la précision du message.

Ce nouveau rapport aux médias de masse conduit aussi les annonceurs à sortir des sentiers battus et à gagner de nouveaux supports inédits. C'est ainsi que le métro new-yorkais pourrait se transformer en plaque tournante de marques publicitaires avec de grands noms commerciaux accolés à ceux des stations. Le projet est sérieusement à l'étude. Ainsi Times Square pourrait devenir, par exemple, Sony Times Square.


Thiébault Dromard : Le Figaro du 29 juillet 2004