30.5.04

27 000 emplois à saisir !

La fonction publique territoriale ne recrute pas que des infirmières ou desauxiliaires de vie. Elle cherche aussi des cadres, des financiers, des juristes, des journalistes,des informaticiens, des ingénieurs, des DRH... Avec ou sans concours

Nantais, savez-vous qui gère les sous de votre bonne ville aux côtés de vos élus, soit un budget de 400 millions d’euros et une dette de 380 millions d’euros ? Si vous imaginiez un fonctionnaire blanchi sous le harnais, un vieux routier, vous n’y êtes pas. C’est une toute jeune femme de 25 ans, Virginie Lobbedey, qui a le titre de directeur des Finances de la ville. Lourde responsabilité. A elle de préparer les plans financiers nécessaires à la mise en œuvre des choix des élus. De mobiliser les ressources si l’ouverture d’une crèche ou la rénovation d’un terrain de sport ont été décidés. A elle de faire comprendre aux élus les implications d’une évolution de la taxe d’habitation. C’est encore elle qui veille à ce que le monceau de courrier des contribuables fasse l’objet des réponses appropriées dans cette ville bouillonnante de 300.000 habitants. «L’une des satisfactions que me procure ce poste, c’est d’être en prise très directe avec la vie des Nantais», se réjouit cette jeune femme.

Un cas exceptionnel ? Même pas. Dans l’Isère, le directeur adjoint des Transports (budget : 180 millions d’euros), Olivier Merliaud, a 27 ans, et le directeur adjoint des Finances de la ville de Grenoble, Benoît Rochas, en a 24. A Lyon, Antoine Desfretier, 27 ans, dirige rien de moins que la «Qualité du service public». Il anime plusieurs services, le courrier, «Lyon direct», le centre d’appels disponible pour tout Lyonnais désireux de s’exprimer, au total, une cinquantaine de personnes placées sous sa responsabilité. Les réclamations sur les graffitis, les nids de poule sur la chaussée, l’emplacement des lampadaires ou les déjections canines, c’est pour lui. Et son souci constant doit être, dit-il, de «mieux cerner les préoccupations des habitants».

Pourquoi mettre en avant Virginie, Olivier, Benoît, Antoine ?

Parce que ces jeunes, brillants, très diplômés – Sciences-Po, Sup de Co Paris, un DESS d’urbanisme, par exemple –, ont accédé très vite à un niveau de responsabilité important. Et cela parce qu’ils ont choisi une fonction publique assez méconnue : la territoriale. Ils ont passé le plus prestigieux des nombreux concours de la FPT, puis ont été formés à l’Inet (l’Institut national des Etudes territoriales) créé en 1997 à Strasbourg. Une sorte d’ENA bis, beaucoup moins fameuse que son historique grande sœur mais avec un enseignement «plus concret, passionnant, une vraie préparation à nos futurs métiers», témoignent les jeunes gens. A l’heure où beaucoup de jeunes cherchent un sens à leur travail, eux disent l’avoir trouvé : «Nous faisons vivre le service public au quotidien.» A les entendre, on se dit que la fonction publique territoriale – qui recrutera de plus en plus – mériterait d’être mieux connue.

Il y a un an, les collectivités territoriales avaient annoncé 27.700 embauches jusqu’à la mi-2004. Claude Mahier, directeur général de «la Lettre du cadre territorial», estime que 1.000 nouvelles offres d’emploi sont publiées chaque mois par les collectivités locales. Le rythme des embauches va s’intensifier après 2005 avec la vague annoncée de départs à la retraite des baby-boomers. D’ici à 2012, environ un tiers des agents seront partis. Car la FPT, c’est 1,6 million de personnes dont 8% de cadres supérieurs, 13% de cadres moyens, travaillant pour les mairies, les départements, les régions, les communautés urbaines des établissements publics, plus de 60.000 employeurs au total.
Les profils les plus recherchés ? Bien sûr, il y a ceux qu’on s’arrache partout : les infirmières, les auxiliaires de vie pour personnes âgées, les spécialistes de la petite enfance. Mais surtout : «On recherche des cadres», note Claire Cornet, directeur adjoint à l’emploi du CNFPT (Centre national de la Fonction publique territoriale). Et certaines spécialités sont particulièrement demandées : financières, juridiques, techniques. Les salaires, souvent complétés par des primes, ne sont pas négligeables, au moins pour les cadres. Exemple : en Moselle, un jeune ingénieur démarre à 35.828 euros annuels (brut, primes comprises).

La diversité des métiers offerts par les collectivités locales surprend. En effet, celles-ci voient leur rôle s’élargir grâce à la décentralisation. Exemples, à la mi-mai, sur la bourse de l’emploi du CNFPT, on recherchait un inspecteur de salubrité à Nancy, un journaliste au Plessis-Robinson, un administrateur de salles de spectacles à Montauban, un webmaster à Tremblay-en-France, des bibliothécaires à Lyon... La FPT emploie des policiers, ingénieurs, informaticiens, spécialistes des traitements des déchets, DRH, architectes, conservateurs de patrimoine, responsables de parcs naturels mais aussi médecins, orthophonistes... Beaucoup de ces spécialistes ignorent sans doute qu’ils pourraient faire carrière aussi dans les collectivités.

Le mode de recrutement spécifique de la fonction publique territoriale a ses avantages. Certes, il faut d’abord décrocher l’un des multiples concours de la FPT. Concours souvent difficiles car pris d’assaut par les candidats, notamment en période de faible recrutement. Mais une fois que l’on est reçu, on est comme sur le marché du privé. Les collectivités employeurs puisent comme elles veulent dans le vivier des titulaires de la FPT. De son côté, le titulaire peut aller lui-même à la rencontre de son employeur : il pose sa candidature en fonction des offres, ce qui lui permet éventuellement de choisir sa ville, son poste… Attractif pour qui veut la sécurité de l’emploi sans le carcan de la fonction publique d’Etat. Même si cette manière d’embaucher a ses effets pervers : le bon vieux clientélisme des élus.

La FTP accueille également des contractuels. En effet, lorsqu’elles ne trouvent pas l’oiseau rare dans le vivier des fonctionnaires reçus aux concours, par exemple, un ingénieur télécom de haute volée, un DRH, un journaliste, les collectivités locales se tournent vers des contractuels. Ainsi, Hervé François, directeur des Affaires culturelles et des Relations internationales de la ville de Dunkerque, après avoir beaucoup roulé sa bosse à l’étranger comme contractuel pour le Quai-d’Orsay. «Je participe à la création d’une "eurorégion" dans le Nord. Passionnant», dit-il. Les contractuels représentent environ un tiers des cadres A (le niveau le plus élevé). Officiellement, les collectivités locales doivent éviter le plus possible de recourir aux non-titulaires. Et une fois dans la place, ces professionnels sont censés présenter les concours. En pratique, il s’avère que certains ont fait toute leur carrière en étant contractuels. La FPT est donc un réservoir d’emplois plus ouvert qu’on ne l’imagine.



Un salon pour l’emploi public

Pour la première fois, les trois fonctions publiques – Etat, territoriale, hospitalière – se mobilisent pour présenter leurs métiers dans un salon. Des débats, des ateliers sur les concours, les formations, les rémunérations, des forums sur les métiers. En toile de fond, l’actualité de la décentralisation, et du départ à la retraite de 50% des fonctionnaires dans les dix ans.

Du 1er au 3 juin, au Palais des Congrès, à Paris
www.salonemploipublic.com

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Les sites pour tout savoir

www.cnfpt.fr
Le site du Centre national de la Fonction publique territoriale (01-55-27-44-00), organisme qui gère les formations, les emplois, les carrières de la FPT. Liste des concours, bourse à l’emploi.

www.territorial.fr
Des informations sur les concours, l’emploi, par le groupe qui édite notamment «la Lettre du cadre territorial».

www.lagazettedescommunes.com
Site de l’hebdo du même nom pour les fonctionnaires territoriaux.

Jacqueline de Linares : Le Nouvel Observateur du 27 mai 2004
Sentinelle : Économie : Macroéconomie : Fonction publique