17.6.04

Al-Qaida et le choc pétrolier

A cause du pétrole et du prix des carburants, les conflits du Moyen-Orient finissent toujours par avoir un impact sur le portefeuille des consommateurs occidentaux. Que les acteurs principaux ne soient plus les États arabes producteurs mais des groupes terroristes ne modifie pas cette règle de base : l'or noir reste, là-bas, l'ultime arme de la guerre.

En Irak, les pipelines et les installations pétrolières sont devenus l'objectif prioritaire des saboteurs. A l'approche du 30 juin, et du transfert de souveraineté au gouvernement qui vient d'être formé, les exportations de brut ont été suspendues par une série d'explosions visant les oléoducs dans le Sud. Au même moment, le responsable de la sécurité de l'industrie pétrolière du nord du pays était assassiné.

Quels que soient les auteurs des attentats – guérilla nationaliste ou bien djihadistes venus d'ailleurs –, le message est double. D'abord pour l'Irak : le pays a beau être en passe de retrouver sa souveraineté, il ne pourra pas compter sur les recettes de ses exportations pour démarrer sa reconstruction. Ensuite pour l'Occident : la fermeture du robinet irakien compromet les efforts de l'Opep pour faire baisser les cours du brut en relevant sa production.

Premier fournisseur mondial, l'Arabie saoudite est l'acteur clé du marché pétrolier. Il se trouve qu'elle est devenue, depuis peu, un autre front très actif de la guerre conduite par al-Qaida. Les terminaux pétroliers de la péninsule étant depuis longtemps des installations stratégiques, ils sont beaucoup mieux protégés qu'en Irak et n'ont pas encore été visés directement. Plus facile à atteindre, ce sont les expatriés qui sont désignés comme cibles : à travers eux, al-Qaida cherche, en fait, à atteindre la puissance pétrolière du royaume. Depuis le 1er mai, attentats et attaques meurtrières contre des étrangers se succèdent à un rythme croissant. La police et les autorités saoudiennes s'avèrent parfaitement incapables d'arrêter les meurtriers. L'insécurité s'est propagée dans tout le pays. Tout cela ne peut qu'accélérer l'exode déjà en cours des étrangers qui travaillent dans le royaume. Le départ des Occidentaux ne devrait pas avoir un impact immédiat sur le niveau de la production, les Saoudiens étant en mesure de faire fonctionner leurs installations. Mais, à terme, l'industrie pétrolière ne peut que s'en ressentir.

Qu'arriverait-il si les terroristes parvenaient à détruire un terminal ? Après l'Irak, l'Arabie saoudite menace de sombrer dans le chaos. Un nouveau choc pétrolier, déclenché, cette fois, par al-Qaida, n'est plus à exclure.

Pierre Rousselin : Le Figaro du 17 juin 2004
Sentinelle : Société : Géopolitique