13.9.04

Mouches : L'arme fatale

C'est un produit de très haute technologie. Des dizaines d'ingénieurs et entomologistes américains ont travaillé pendant des années avant de mettre au point l'antimouche parfait. Il attire tous les diptères à la ronde et les élimine en quelques secondes.

Ce produit miracle, c'est un film en plastique souple en forme de fleur qui se colle sur une vitre de la maison. Sa forme et ses couleurs attirent les mouches. La substance encapsulée dans le plastique en fait une arme fatale : le z-tricosène reproduit l'odeur des hormones sexuelles de la mouche domestique. Lorsqu'il se pose sur le piège, l'insecte s'imprègne alors d'un poison, l'azanétiphos. Quelques coups d'aile plus tard, il est terrassé.

Cette nouvelle arme connaît un succès commercial inédit. Sans aucun investissement publicitaire, les ventes ont enregistré une croissance de 92% en un an, toutes marques confondues. Au total l'an passé, les groupes Sara Lee (marques Pyrel et Catch) et Johnson (Baygon et Raid) ont vendu plus de 2,6 millions de ces pièges sophistiqués, soit près de 10 millions d'euros sur un marché total de 155 millions d'euros pour les insecticides. Les chiffres de l'été 2004 ne sont pas encore connus, mais la tendance est restée plus que positive. Plusieurs magasins ont connu des ruptures de stocks.

Ce succès conforte les deux multinationales dans leurs stratégies curieusement identiques. «Les consommateurs sont prêts à payer de plus en plus cher pour se débarrasser d'insectes indésirables, commente un ingénieur chez Jonhson. Ce qui prime, c'est l'efficacité.» Ainsi, pour éradiquer les moustiques, les consommateurs n'hésitent plus à investir dans un arsenal aussi coûteux qu'efficace : bombes aérosols, prises à recharge, prises à hélice...
Le phénomène est paradoxal. Les moustiques sont de moins en moins nombreux grâce aux campagnes de désinsectisation et les mouches ont déserté les maisons depuis que les cuisines sont équipées de réfrigérateurs et que les déchets ménagers sont collectés tous les jours. «Pourtant, jamais les insectes n'ont été pourchassés avec autant d'assiduité», s'amuse un expert de l'institut de recherche marketing TNS Secodip. La seule menace pour cette industrie florissante serait la disparition des mouches. Malgré l'arsenal, ce n'est pas pour demain.


Jean-François Arnaud : Le Figaro Entreprises du 11 septembre 2004